Si le candidat Mitterrand avait labouré les allées du Salon en mars 1981 pour récolter quelques voix, il ne se pliera jamais à cet exercice médiatique en 14 ans de présidence. Sa première visite aurait dû se faire en mars 1982, mais la violence misogyne avec laquelle certains responsables agricoles traitent alors Édith Cresson, son ministre de l’Agriculture, le dissuade de s’y rendre, ne voulant pas exposer encore plus son ministre (elle avait été brutalement prise à partie un mois auparavant, lors d’une visite d’exploitation). L’année suivante, alors que Michel Rocard a remplacé Édith Cresson, c’est la politique présidentielle qui rencontre une forte opposition. En effet, François Mitterrand soutient fermement l’ouverture de la CEE à des pays agricoles comme l’Espagne et le Portugal, ce qui suscite la colère de certains agriculteurs et pêcheurs. Au début de l’année 1983, l’un de ses conseillers l’interroge alors sur sa venue au Salon de l’agriculture ; le président rétorque à Henri Nallet : "Laissons ça à Chirac !", puis ajoute "Rocard s’en sortira très bien seul". On ne l’interrogera alors plus sur le sujet, l’affaire étant désormais définitivement entendue. Et c’est ainsi que François Mitterrand a délibérément laissé le terrain libre à son successeur, et ce dernier allait joyeusement en profiter.