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La garden-party du 14 juillet

La garden-party de l’Élysée est une tradition ancienne initiée sous la présidence de Sadi Carnot. On donne alors des réceptions dans les jardins de l’Élysée dès que les beaux jours le permettent. C’est au début du XXe siècle que cette fête de plein air s’associe aux célébrations du 14 juillet. Par exemple, le jour de la fête nationale de l’année 1914, le président Poincaré convie plus de 5.000 personnes (personnalités de la politique, de l’armée, des sciences, des arts et des jeunes filles de la Légion d’honneur). Sous la Ve République, la réception - jusqu’alors essentiellement réservée aux puissants - se transforme peu à peu en une grande fête ouverte à tous les Français. Ou presque.

Charles de GAULLE

Le général de Gaulle reprend la tradition de ce que les commentateurs de la télévision de l’époque nomment déjà la "traditionnelle garden-party de l’Élysée". Il est le premier président à autoriser les caméras de l’ORTF à cette fête champêtre pour que soient diffusées quelques images au journal télévisé du soir, comme c’est le cas de 1964 à 1968 (pour cette dernière année, il pleut à verse et la réception se déroule à l’intérieur). On invite alors quelques centaines de personnes : les chefs militaires ayant assisté ou participé au défilé de la matinée, des membres du corps diplomatique, d’anciens combattants, des ambassadeurs et des ministres du gouvernement. L’événement n’est pas encore le rendez-vous des mondains, mais il est déjà celui des caméras.

Georges POMPIDOU

Georges Pompidou organise lui aussi une garden-party tous les 14 juillet et il va y ajouter quelques nouveautés. Tout d’abord, il invite désormais des membres des corps constitués (parlementaires, sénateurs, etc.) et quelques rares personnalités de la société civile. En 1973, il met à l’honneur la première femme à être admise à l’école Polytechnique sortie major de sa promotion (Anne Chopinet) et dont la présence est très remarquée des journalistes. L’ORTF est toujours autorisé à filmer l’événement et au journal télévisé, on n’hésite plus à montrer le champagne qui coule à flots et les copieux buffets offerts aux invités qui sont plus nombreux chaque année.

Valéry GISCARD D’ESTAING

La garden-party du président Giscard d’Estaing

Pour sa seconde garden-party, le 14 juillet 1975, le président Giscard d’Estaing a convié du "beau linge" et des enfants "bronzés, très bronzés même" comme le souligne le commentaire du journaliste.
Date : 14 juillet 1975
Émission : JT 20H - Antenne 2
Journaliste : Patrick Poivre d’Arvor
Le président Giscard va quant à lui grandement contribuer à populariser cette fête en ouvrant les portes du palais aux vedettes du monde artistique, scientifique, sportif, etc. Dès 1974, l’atmosphère se détend et on confie par exemple l’animation musicale à l’orchestre alsacien Les Joyeux Vignerons que le président avait remarqué à la télévision et qu’il s’était "promis d’inviter à la première occasion". Plus encore, Giscard d’Estaing transforme le palais en "maison pour tous" en accueillant à la garden-party des "citoyens comme les autres". C’est ainsi qu’en 1977, il invite plus de 1.400 Français en plus des convives habituels, sans compter les 13.000 visiteurs de l’après-midi, venus découvrir l’Élysée en présence du président.

François MITTERRAND

La garden-party du président Mitterrand

Ce 14 juillet 1985, la garden-party du président Mitterrand ne fait l’objet que d’une brève au journal télévisé du soir, commentée en plateau par Bruno Masure, lequel s’amuse de la présence de Serge Gainsbourg aux côtés de légionnaires.
Date : 14 juillet 1985
Émission : JT 20H - TF1
Journaliste : Bruno Masure
La garden-party résiste à l’alternance et prend encore plus d’importance sous la présidence de François Mitterrand. Ce sont désormais plusieurs milliers de personnes - dont une majorité d’anonymes de tout âge - qui se retrouvent chaque année dans la "maison commune" (6.000 invités en 1981, 5.000 en 1982 et ainsi de suite). Ces simples citoyens (des appelés au service militaire, des personnes nées un 14 juillet, des femmes qui se prénomment Marianne ou France, etc.) y côtoient, dans un contraste saisissant, les plus grandes célébrités (Barbara, Serge Gainsbourg, Michel Piccoli, etc.) et les personnalités officielles.

Jacques CHIRAC

La garden-party du président Chirac

Deux jours après la victoire de l’équipe de France à la coupe du Monde 1998, le président Chirac convie les Bleus et des milliers de Français à une incroyable garden-party.
Date : 14 juillet 1998
Émission : JT 20H - France 2
Journaliste : Véronique Saint-Olive
Le président Chirac conserve la dimension gigantesque de la garden-party en conviant chaque année plusieurs milliers de personnes (4.000 jeunes sont invités en 1995). Pour ce président, c’est aussi le moyen de rendre hommage aux personnalités marquantes de l’année. Ainsi, la plus belle des réceptions se déroule probablement le 14 juillet 1998, deux jours après la victoire des Bleus en finale de la Coupe du Monde : Jacques Chirac, alors en pleine cohabitation, reçoit l’équipe de France et joue au "chauffeur de salle" ; il célèbre, dans une folie indescriptible, la France "Black Blanc Beur". En 2003, cette réception atteint une dimension internationale en accueillant l’ancien président sud-africain Nelson Mandela.

Nicolas SARKOZY

La garden-party élyséenne du 14 juillet - qui mêle people, officiels et petites gens - est un événement taillé à la mesure de Nicolas Sarkozy. En 2007, il invite plus de 7.000 personnes - dont la moitié d’anonymes - et se laisse aller aussi aux déclarations personnelles ("Je voudrais dire à Cécilia qu’elle est très belle"). En 2008, les 8.000 invités assistent à la remise de la Légion d’honneur à Ingrid Betancourt, libérée quelques jours plus tôt par l’armée colombienne. En 2009, le coût de la réception est dévoilé dans la presse (730.000 euros pour 7.500 invités). Or, la France piétine dans l’austérité, bloquée par la crise économique et un endettement record. En conséquence, le président Sarkozy décide de supprimer immédiatement la traditionnelle fête élyséenne du 14 juillet.

François HOLLANDE

L’actuel président n’a pas encore remis à l’ordre du jour la réception du 14 juillet au palais de l’Élysée.

Au fil du temps, la garden-party de l’Élysée était devenue un motif de communication, permettant au président de jouer sur l’image du chef qui rassemble toutes les couches de la société pour fêter ensemble la France et l’union de son peuple. Dans cette construction médiatique, le jardin du premier palais de la République devenait alors, pour un jour seulement, le lieu de la concorde citoyenne. Cette tradition politico-festive quasi centenaire, abandonnée en 2009 pour cause de crise, pourrait bien réapparaître une fois les beaux jours revenus…