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Le voyage à l'étranger

Porteur d’un message fort envers le pays visité, le voyage à l’étranger a une fonction diplomatique. Le but poursuivi n’est pas seulement la coopération et l’amitié entre les peuples, ils servent aussi, et de plus en plus, à nouer des accords commerciaux ou de défense entre pays. Ainsi, le président se rend à l’étranger souvent accompagné de ministres ou de délégations de chefs d’entreprise, mais également de journalistes français accrédités et chargés de couvrir le déplacement du chef de l’État. Car pour lui, c’est également l’occasion de se montrer en action et de communiquer sur sa politique étrangère.

Charles de GAULLE

Le voyage en Amérique latine du président de Gaulle (extrait)

Après le retour du président de Gaulle d’Amérique latine - qu’il a parcourue de long en large - l’ORTF diffuse une rétrospective de 30 min sur les 10 étapes du voyage.
Date : 18 octobre 1964
Émission : Édition spéciale / 1ère chaîne de l’ORTF
Journaliste : Jean Lanzi
Au sortir de la guerre, le président de Gaulle désire affirmer la France comme une grande puissance, indépendante des blocs soviétique et américain. Après la guerre d’Algérie, il multiplie les voyages, en Afrique, en Asie, en Amérique ou en URSS. S’appuyant sur son statut de grand général vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, il engage chaque fois les peuples visités à s’avancer vers la voie de l’autonomie nationale. C’est le cas en 1967, lorsqu’il déclare à Montréal "Vive le Québec libre" et contrarie ainsi les autorités canadiennes, ce qui l’oblige à annuler la suite de son voyage à Ottawa.
En 1964, il entreprend une grande tournée en Amérique Latine, pour encourager le développement de liens de coopération entre la France et cette "autre Amérique", jusque-là chasse gardée des États-Unis. En près d’un mois, il visite 10 pays et prononce 49 discours en français et en espagnol. L’ORTF couvre les différentes étapes du voyage et peu après son retour, diffuse une longue rétrospective lors d’une édition spéciale.

Georges POMPIDOU

Le voyage en Chine du président Pompidou (extrait)

9 ans après que le général de Gaulle a été le premier à reconnaître diplomatiquement la Chine, le président Pompidou est le premier chef d’État étranger à s’y rendre.
Date : 11 septembre 1973
Émission : JT 20H / 2e chaîne de l’ORTF
Journaliste : Alain Fernbach
Georges Pompidou, dont la politique internationale s’inscrit dans la droite ligne de celle du général de Gaulle, réalise lui aussi de grands déplacements à l’étranger (à peu près 5 par an). Il se rend aux États-Unis et en URSS la même année (1970), mais c’est également le premier chef d’État étranger à visiter la République populaire de Chine en 1973. En pleine guerre froide, ce voyage permet à la France de conserver sa place de puissance internationale à part entière, ne s’alignant ni sur le bloc américain ni sur le bloc soviétique. Il est évidemment largement couvert par les deux chaînes nationales de la télévision française.

Valéry GISCARD D’ESTAING

Valéry Giscard d’Estaing voyage volontiers à l’étranger et réalise en moyenne 11 déplacements par an. Il poursuit par exemple une politique étrangère proarabe, refusant de soutenir les États-Unis dans leur politique anti-OPEP. C’est dans ce contexte qu’il se rend en Iran en 1976, où il est reçu avec faste par le Shah d’Iran Mohamed Reza Pahlavi. Ce voyage de 4 jours est l’occasion pour les journalistes de les suivre à travers la capitale iranienne, entre palais et musée, alors même que le vent d’une révolution se fait sentir. Pour le président Giscard, c’est l’occasion d’affirmer la ligne diplomatique française, mais surtout de repartir avec 5 contrats d’un montant de près de 30 milliards de francs. C’est le dernier chef de l’État français à avoir réalisé un voyage officiel en Iran.

François MITTERRAND

Le voyage à Sarajevo du président Mitterrand

Le 28 juin 1992, François Mitterrand réalise une incroyable visite à Sarajevo alors en guerre, ce qui ne manque pas de stupéfier les journalistes français qui suivent le président.
Date : 28 juin 1992
Émission : JT 20H / TF1
Journaliste : Maurice Olivari
Le président Mitterrand voyage encore plus que son prédécesseur, avec une moyenne de 17 déplacements à l’étranger par an. Et c’est le premier à systématiquement emmener des chefs d’entreprise afin de leur faire signer des contrats.
L’un de ses plus retentissants déplacements se déroule en juin 1992, en Bosnie. Cela fait alors 3 mois que la ville de Sarajevo est encerclée par les tireurs d’élite serbes, maintenant une pression constante sur la population. La France, à travers ses Casques bleus, est fortement engagée dans le conflit qui oppose les républiques de l’ex-Yougoslavie. Et contre toute attente, le président Mitterrand décide de se rendre dans la capitale en guerre, pour un voyage à la fois éclair et périlleux. Et pour symbole, il s’y rend 78 ans jour pour jour après l’assassinat de l’archiduc d’Autriche à Sarajevo, qui avait conduit au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Officiellement destiné à attirer l’attention sur le conflit, ce surprenant voyage, aux retentissements médiatiques internationaux, profite à l’image d’un François Mitterrand impopulaire, transfiguré en un chef d’État courageux et réactif.

Jacques CHIRAC

Jacques Chirac apprécie voyager et il porte à 25 déplacements la moyenne présidentielle annuelle. Grand amateur de bains de foule, il n’hésite pas à y entrainer avec lui les chefs des États où il est invité, une bonhommie souvent appréciée, mais bien peu protocolaire. En 1996, c’est le président libanais Rafic Hariri qui se retrouve entrainé pour une balade improvisée, au milieu d’une foule compacte de curieux et de journalistes. La même année, c’est également devant les caméras que le président français est bousculé par le service de sécurité israélien à Jérusalem, qui l’empêche d’approcher les foules. Il n’hésite pas alors à montrer sa colère, menaçant de rentrer directement à Paris et achevant la scène par un mémorable "This is not a method, this is a provocation !" diffusé ensuite par toutes les chaînes de télévision française.

Nicolas SARKOZY

Nicolas Sarkozy est l’initiateur d’un nouveau style : le voyage éclair. Il en fera 39 en moyenne par an, mais ses expéditions sont de courte durée. Par exemple, pour sa visite de 2008 en Inde, le président ne passe que 48 heures sur place. Si la personnalité du président s’accorde volontiers avec la rapidité de ces voyages, leur durée est également liée à l’évolution des relations internationales, qui imposent des déplacements multilatéraux de plus en plus nombreux.
Dans les journaux télévisés (mais aussi sur Internet qui retransmet désormais de nombreuses images de toute sorte), la mise en scène ne correspond pas toujours à celle recherchée par le président. Lors de certains déplacements, les journalistes insistent en effet sur son attitude parfois maladroite et inadéquate (son excès de familiarité avec Angela Merkel au début de son mandat ou les SMS qu’il envoie alors qu’il est reçu par le roi d’Arabie saoudite). Néanmoins, pour le président Sarkozy, ces voyages à l’étranger sont souvent l’occasion d’afficher sur la scène internationale dynamisme et volontarisme.

François HOLLANDE

Avec une moyenne de 3 à 4 déplacements par mois, François Hollande voyage encore plus que ses prédécesseurs. Premier président célibataire (hormis Nicolas Sarkozy pendant 3 mois), il doit se déplacer seul, un détail qui peut paraître anodin, mais qui bouleverse en réalité tous les protocoles. Par exemple, en 2014, pour la première visite d’État française aux États-Unis depuis 1996, il se trouve obligé de clarifier sa situation conjugale avant son départ. En fin de compte, le plan de table est changé et le traditionnel "café" ou la visite d’école entre premières dames sont supprimés. Une situation que la presse télévisée n’hésite pas à mettre en avant à travers ses reportages, brouillant ainsi le message que le président avait voulu faire passer.

Témoigner son intérêt pour un pays, se faire des Alliés, soutenir les peuples ou encore faire rayonner la France : historiquement, le voyage à l’étranger constitue pour les présidents français une occasion de montrer les positions et le rang de la France sur la scène internationale. Exercice complexe et délicat, il s’est multiplié pour répondre à des relations internationales de plus en plus multilatérales. Aujourd’hui, ces voyages deviennent le quotidien d’une fonction présidentielle qui, outre une situation internationale compliquée, doit également prendre en compte une dimension économique, faisant du chef de l’État un super VRP de la France et de ses entreprises.